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L'ethologie et nos poissonsL'éthologie est la science qui étudie le comportement des êtres vivants. Elle s'intéresse à l'ensemble des facteurs (éléments) qui vont faire que tel animal va exprimer tel comportement. Tous les comportements ont pour base une mécanique physiologique : les sens (organes sensoriels), le système nerveux, l'endocrine (les hormones). Les comportements vont affecter des formes différentes en fonction du milieu, des saisons, des besoins (stimuli internes), de l'âge, des expériences antérieures et de l'état physiologique du sujet. Chez les animaux inférieurs, le système nerveux central est peu développé, il comprend moins de cellules nerveuses et donc moins de possibilités de créer un nombre important de connexions des cellules nerveuses entre elles. Ce qui signifie que la palette des comportements qui pourront être exprimés sera forcément réduite. La prépondérance de l'inné dans les comportements de ces animaux sera patente. A l'inverse, les animaux supérieurs sont dotés d'un SNC développé, dont les possibilités d'établir de nouvelles connexions nerveuses sont immenses: ils peuvent apprendre, s'adapter aux changements du milieu. Les animaux disposent, lors de leur naissance, d'un système nerveux central dont la conformation est innée, donc d'une aptitude à l'apprentissage, elle aussi innée et spécifique. Les comportements sont réunis en grandes familles de comportements qui ont tous un objectif unique de reproduction. Les comportements sociaux : le banc. Les espèces qui vivent en banc constituent une masse en mouvement qui peut se désagréger et se reconstituer à volonté. Cette formation permet de limiter les risques de prédation. Basé sur le principe : « l’union fait la force », il existe des espèces qui, en présence de prédateurs se regroupent. Quand on est dans un groupe, il y a toujours une chance pour qu’il y ait un individu qui voie le prédateur. Les évolutionnistes de la coopération disent que l’accroissement de la vigilance est une des forces majeures de la coopération dans le monde animal. Exemple, le poisson guppies. Plus il y a de prédateurs, plus la cohésion est forte et plus il y a d’individus qui bénéficient de l’accroissement de la taille des groupes. Un autre effet de la vie collective : l’effet de dilution. Plus le groupe est populeux, plus il y a de chance de passer inaperçu et qu’un autre se fasse manger. Exemple le gerrys. Ils sont attaqués par des poissons venant par le bas, ils ne peuvent donc pas mettre à profit la vigilance car ils ne les voient pas venir. Néanmoins, on remarque que : le taux d’attaque/poisson est indépendant du nombre d’individus ; le taux d’attaque/proie est fonction du nombre d’individus dans le groupe : plus il y a d’individus, plus le taux diminue. C’est un modèle qui suit uniquement l’effet de dilution. La communication au sein du groupe se fait par les sens visuels, olfactifs via les phéromones et par la ligne latérale qui permet de se positionner au sein du volume. Les mouvements du banc sont déterminés par quelques individus expérimentés. A noter qu’un poisson peut d’abord vivre en banc avant de devenir sédentaire comme le loup. Les comportements de reproduction, c’est ce qui influence le plus le succès reproductif des animaux. Les poissons ont des périodes de reproduction (le frai), et certains d’entre eux procèdent à des parades nuptiales. Par exemple chez l’épinoche, les mâles établissent un territoire uniquement pendant la période de reproduction. Le mâle reconnaît une femelle par son ventre argenté rempli d’œufs. Il effectue une danse en zigzag, la femelle décide ou non de montrer son ventre. En période de reproduction, le mâle présente une "livrée de noce", qui se caractérise par une coloration rouge du ventre. L'approche d'un autre mâle présentant un ventre rouge déclenche immédiatement un comportement d'attaque du rival. Les comportements territoriaux. Les espèces territoriales défendent leur domaine contre toute intrusion. Cette agressivité peut se diriger contre un congénère pour le chasser ou établir un lien hiérarchique. Exemple, l’épinoche : si on prend 2 territoires adjacents, qu’on prend 2 mâles et qu’on les met dans des éprouvettes individuelles. A attaque B et B prend la posture de la fuite quand on met les 2 tubes au-dessus du territoire de A : forme de dominance sur son propre territoire, car il est plus agressif, car on sait ce qu’on défend tandis que l’autre aura moins de motivation à se battre car il ne sait pas ce que le territoire recèle. Les comportements alimentaires. Le poisson ne se nourrit pas au hasard : il adopte lui aussi des stratégies alimentaires. Pour trouver de la nourriture, il doit optimiser sa propre dépense en énergie et résoudre trois équations :
Il y a deux stratégies optimales :
Cette recherche de nourriture sera stimulée par un jeûne prolongé. Lorsque le poisson est à la recherche de nourriture activement, avant une dépression, avant le frai, après des conditions climatiques hostiles, le choix alimentaire va se porter sur les grosses proies dans une situation où les ressources sont abondantes. Ce sont les proies les plus visibles qui ont un contenu en énergie le plus important. On les trouve au printemps et plus particulièrement en automne. A l’inverse, le poisson s’attaquera à toute taille de proie en période de pénurie. Le poisson sera le plus gros avant le frai. Il sera amené à se déplacer. Quand il découvre un aliment sur un poste, le poisson y revient pour s’y nourrir jusqu’à son appauvrissement puis il explorera le secteur immédiatement voisin. Si cette recherche se solde par un échec, si le site est pauvre en nourriture, il l’évitera systématiquement par la suite pour se rendre directement au secteur suivant plus éloigné et y explorera les ressources trophiques. Tous les comportements ont un double déterminisme (on pourrait dire deux causes, en simplifiant) :
Les stimuli internesComme nous l'avons déjà vu, le déclenchement d'un comportement dépend en partie du niveau de motivation de l'individu étudié. Par exemple, dans le cas du comportement de prédation du loup (bar), ce comportement ne se déclenche que si l'animal a suffisamment faim. Il s'agit là d'une motivation qui dépend des excitations sensorielles internes, ici, la glycémie. Les hormones : ces substances bio-chimiques ont un rôle fondamental dans la motivation de nombreux comportements. Les hormones sexuelles régissent évidement les comportements reproducteurs chez la majorité des espèces, mais aussi des comportements connexes (proches). Les rythmes endogènes de type chronobiologiques (ce qu'on appelle aussi l'horloge interne ou biologique) régulent les comportements spécifiques selon deux périodes d'activité : Circadienne: en fonction de la période du jour. On distingue les animaux diurnes (qui agissent le jour), des nocturnes (la nuit) et les crépusculaires (à l'intermédiaire du jour et de la nuit). Circannuelle: en fonction de la période de l'année (très liée à l'activité hormonale), comme pour la reproduction ou les migrations. Par exemple, un grand nombre de prédateurs chassent la nuit. Ils se rapprochent alors des côtes et se rapprochent de la surface pour se déplacer le long des côtes. La maturation de l'organisme: comme nous l'avons déjà vu, certains comportements ne peuvent s'exprimer avant un certain âge de l'individu, de même que d'autres sont circonscrits à la période juvénile. Le bar recherche les eaux oxygénées et la concentration en oxygène est d’autant plus importante que l’eau est froide. De jour quand les eaux sont plus chaudes, il aura donc tendance à s’éloigner du rivage et à se caler au fond. Il économise ainsi de l’énergie et se protège d’éventuels prédateurs en attendant la nuit pour roder. La chasse : la détection d’une proie se fait au travers de quatre différents stimuli potentiellement déclencheurs : Un stimulus visuel (couleur, taille, nature mimétique) plus ou moins important en fonction de la luminosité (jour/nuit) et de la turbidité. La vision d’un poisson est proche de la nôtre. Les espèces de surface voient dans un large spectre, de l’infrarouge à l’ultraviolet. Tandis que les espèces de fond qui ont des yeux plus grands voient dans le bleu-vert. Les espèces de grande profondeur sont aveugles. La plupart des espèces n’ont pas de vision nocturne cependant le maquereau par pleine lune peut percevoir une partie du spectre. La position des yeux, qui détermine le champ de vision, permet de définir si un poisson dans son biotope s’apparente davantage à une proie ou à un prédateur. Situés vers l’avant, ce sont des espèces prédatrices qui disposent d’une vision binoculaire et peuvent donc voir assez nettement devant elles. Alors que les proies ont des yeux situés sur les côtés, avec un angle de vision large, une vision monoculaire qui ne permet pas de faire le point mais qui permet de distinguer tout élément intrus. Le rouge a un attrait particulier pour la plupart des espèces peut être parce qu'il peut s'apparenter à la couleur d'un animal blessé. Un stimulus olfactif, les poissons disposent de chimiorécepteurs et de sacs olfactifs qui leur permettent d’entrer en relation dans leur environnement. C'est-à-dire, détecter de la nourriture, reconnaître d’autres espèces comme des congénères ou des individus blessés, établir un lien hiérarchique, déterminer des phases de reproduction, par l’émission ou la réception de phéromones. Des saveurs semblent attirer certaines espèces ; l'huile de sardine, le myrte pour la langouste, l’anis, le coaltar... Des oligo-éléments comme la L-proline pour les salmonidés. Des acides aminés comme la bétaïne ou le sorbate de potassium. Des exhausteurs de goûts, le sel ou le glutamate renforcent les saveurs. Du sucre, la glycine ou le NHDC. Pour les amateurs de pêche à la pâte, des compositions originales personnalisées à base de farines pour poissons associées à des oeufs, de la chapelure, du nuoc mam, du viandox, du sel, de l'huile de sardine, du frolic... L'imagination du pêcheur est sans limite. Il est aussi possible de colorer sa pâte ! A noter que vous pouvez aussi saler vos appâts carnés. Un stimulus gustatif, des capteurs gustatifs situés sur la langue peuvent distinguer le sucré, le salé et l’amer. Ce sens permet au poisson de distinguer ce qui est comestible. En ce sens, les dents ne servent pas à la mastication mais à retenir la proie pour la goûter avant de l’avaler. La position de la bouche indique son mode d’alimentation. Dirigée vers le haut ou supère, le poisson cherche sa proie en surface, centrée, le poisson mange en pleine haut, dirigée vers le bas ou infère, le poisson se nourrit sur le sol. Un stimulus volumétrique et vibratoire qui détermine la taille du congénère, de la proie ou du prédateur ou de l’intrus dans une logique de territorialité. Le poisson est sensible aux ondes de pression. L’oreille interne constitue l’ouie, elle peut détecter des sons de hautes fréquences de 800 hz à 10000 hz chez certaines espèces. La ligne latérale détecte des sons de basses fréquences. Elle permet de détecter simultanément la présence d’éléments en mouvement comme de se positionner par rapport à eux. C’est cette sensibilité qui permet au poisson de braconner la nuit. D’où l’efficacité du leurre artificiel indépendamment de formes parfois extravagantes, tout repose de nuit sur les vibrations émises par le leurre qui tiennent au leurre lui-même et à son maniement. De jour, il faut aussi jouer sur le stimulus visuel, classiquement, à temps clair leurre chaud, à temps bouché leurre neutre, à eau claire, leurre neutre et à eau sombre leurre chaud. Il est aussi possible de vaporiser les leurres d’attractifs gustatifs. Un exemple de comportements innés : les taxies ou tropismes La part des taxies et des tropismes dans les comportements d'une espèce, dépendent du niveau de développement psychique de cette espèce. C'est à dire que les comportements instinctifs jouent un plus grand rôle dans les espèces à faible développement psychique que chez les Animaux supérieurs. Les tropismes sont des comportements innés qui peuvent se définir de la façon suivante: ce sont des réponses d'organismes entiers, de véritables comportements, fait de mouvement d'orientation, souvent, aussi de locomotion, déclenchés et entretenus par des agents physiques ou chimiques externes (lumière, électricité, pesanteur, chaleur, substances chimiques diffusant dans le milieu, etc.) Plus simplement, les tropismes sont des réactions comportementales à des stimulations du milieu. L'idée de tropisme s'applique aussi bien aux animaux qu'aux plantes : Parler de taxies positives ou négatives ne s'applique pas aux effets du comportement induit. La phototaxie : réaction à la lumière. C ’est la pêche au lamparo pour les sardines. On parle alors de photaxie positive. La plupart des poissons bougent avec le changement de luminosité, à l’aube ou au crépuscule. La pêche à la lumière ou au lamparo est ancestrale, la pêche au feu était déjà pratiquée dès la plus haute antiquité. Cette réaction phototropique positive conduit certaines espèces (des poissons bleus en général, maquereaux, sardines, anchois…) à se rapprocher de la source lumineuse. Les explications de ce photopreferendum sont encore incertaines, désorientation photique ou l’inverse, motivation alimentaire. Pour ce faire, les pêcheurs professionnels pêchent de nuit, sans lune pourqu’il n’y ait pas de source lumineuse en concurrence. La même technique peut s’applique à la pêche à la sèche, à l’encornet où l’on pêche sous des lampadaires de port… La phonotaxie : orientation en fonction d'une source sonore. Les billes d’un leurre entraînent une réponse du prédateur par phonotaxie positive, c'est à dire en s'approchant de la source sonore pour l’attaquer. En règle général, le bruit fait fuir le poisson ; on parle alors de phonotaxie négative. Les ondes de choc des pas, la voix, les frottements de chaînes d’ancre, la vibration d’un bout sous l’eau… La géotaxie : générée par le sens de la pesanteur, les animaux ayant tendance à se diriger vers ou contre le sens de la pesanteur. Les chimiotaxies : elles déclenchent des réactions très variées et sont souvent impliquées dans le déclenchement de comportements de reproduction ou de nutrition. Il s'agit des comportements induits par la détection de substances chimiques (comme les hormones) dissoutes dans le milieu ambiant (air ou eau) Le galvanotropisme : orientation en fonction d'un champ électrique, technique de pêche à l’electricité. Le rhéotropisme : recherche des courants d'eau rapides, comme chez le sar ou le loup en eau vive. Le halotropisme : recherche des eaux salées, comme chez les anguilles à maturité sexuelle. Les comportements acquisLa part de l'acquis dans le comportement d'un animal augmente, au fur et à mesure que cet animal est doté d'un plus fort développement psychique, c'est à dire d'un système nerveux central (SNC) complexe. L'acquis est le produit des informations, des apprentissages et des expériences, acquis durant l'ontogenèse, qui sont stockées dans la mémoire individuelle et qui influenceront les comportements ultérieurs. Si la part de l'acquis chez un poisson est limitée, il a été constaté que des poissons (notamment le bar en dehors des périodes de boulimie) qui avaient été piqués par un leurre et qui en avaient réchappé n'y revenaient pas... Ce qui explique en général, le succès des nouveaux leurres mais tout autant celui des anciens !
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